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Récit de Séminaire 2

Texte : Alice Bafoin
Crédit photos: Laure Le Berre, Rafael Alarcon

Le 10 novembre 2015, une présentation du livret de recettes "Saberes de parteras mayas" a eu lieu dans le cadre du séminaire "Parterias en Chiapas" (Sages-femmeries dans le Chiapas).

Ce dernier livret de recette a été édité suite à la rencontre de femmes et sages-femmes traditionnelles de 2014. 1000 exemplaires furent imprimés, la moitié destinée à retourner dans les communautés autochtones lors de visites ou d'ateliers de la section Femmes et Sages-Femmes d'OMIECH, l'autre moitié est destinée à la vente, dans le but d'auto-financer en partie les activités de cette organisation. 

Tierra Adentro
Cet évènement, qui eu lieu à Tierra Adentro, un café populaire au centre de San Cristobal de Las Casas, commença par un chant traditionnel de Fernando Hernandez Ojob, suivi d'une introduction et projection du documentaire d'Agripino Ico Bautista "Savoirs des Sages-Femmes Indigènes du Chiapas". 

Mounia El Kotni
Mounia El Kotni, doctorante en anthropologie (Université d'Albany, NY), fit une intervention vidéo, car à distance, sur l'un des chapitres de sa thèse. 

Rafael Alarcon
Puis Rafael Alarcón, qui fut assistant pour OMIECH pendant 30 ans, présenta l'historique des livrets réalisés dans le passé en en expliquant le concept. 

Dona Candelaria, Dona Juana y Micaela Ico Bautista

Enfin, les sages-femmes traditionnelles invitées (originaires des régions de Chenalho et Huixtan) ainsi que Micaela Ico Bautista, la coordinatrice de la Section Femmes et Sages-Femmes, prirent la parole et répondirent aux questions. Alba Ramirez, étudiante en licence de la UNACH (Chiapas), était modératrice de l'évènement, tandis qu'Alice Bafoin (Association Mâ) et Irazu Gomez, étudiante en master de la UNAM (Chiapas) aidaient à l'organisation. 

Le public était composé de personnes de tous horizons: sages-femmes de tous horizons (Hospital de Las Culturas et de Chamula et du foyer pour femmes et maison de naissance Yach'il Antzetic), des chercheurs de différents universités, un réalisateur de documentaires sur les sages-femmes, des médecins, des journalistes, des professeurs, des doulas, des parents et futurs parents, ...

A la suite de cet évènement, nous avons reçu beaucoup d'encouragements à perpétuer ces rencontres, de la part de personnes touchées ou passionnées par ces échanges difficilement accessibles dans un autre contexte. Mais nous avons aussi fait le désagréable constat qu'une appropriation abusive des informations partagées avaient été utilisées à l'encontre des sages-femmes traditionnelles Indigènes dans le but de promouvoir un modèle "plus moderne" de profession de sage-femme importé des Etats-Unis. Les porteuses de cette initiative au niveau national ont cru approprié de se moquer ouvertement des sages-femmes traditionnelles Indigènes en peignant un portrait négatif et obsolète lors d'une interview télévisé alors qu'elles assuraient la promotion de leur forum annuel. Une attitude raciste et discriminante est la seule solution trouvée par les représentantes de cette association nationale de nouvelles sages-femmes occidentales pour revendiquer leur existence dans un pays où la figure de la sage-femme est encore représentée par une femme indigène dans l'esprit des gens.

A l'issu ce cette triste découverte, nous avons été découragés de poursuivre ce modèle de séminaire, en raison de l'utilisation des informations partagées à l'encontre de notre objectif premier. D'après les anciens d'OMIECH, ça n'est pas leur première claque du genre. Mais pour certaines collaboratrices externes, ça été un constat extrêmement décevant. 

En souhaitant de tout coeur que les mentalités évoluent à l'avenir...


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Récit de Séminaire

Texte : Alice Bafoin
Crédit photos : Fernando Hernandez Ojob

Module 1 : « Les différentes catégories de parteras (sages-femmes) dans le Chiapas, Mexique. »
Session 1 : « Les parteras Autochtones traditionnelles dans les hautes-plateaux du Chiapas. Le cas de la Section Femmes & Sages-Femmes de l’Organisation des Médecins Indigènes de l’État du Chiapas, (OMIECH). »


Le 27 octobre dernier avait lieu la première session d’un séminaire organisé conjointement par la Section Femmes & Sages-Femmes d’OMIECH, et ses collaboratrices actuelles.

De Janvier à Juillet 2015, un séminaire sur le thème des parteras dans le Chiapas a eu lieu une fois par mois dans les locaux du Centre d’Investigations Multidisciplinaires sur le Chiapas et la frontière Sud (CIMSUR) de San Cristobal de Las Casas, rattaché à l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM).

Organisé par OMIECH, le CIMSUR et avec la participation de Alice (Mâ), Mounia, et d’autres jeunes chercheuses en Anthropologie, le séminaire s’est avéré un espace riche en échanges.
Lorsque Mounia a quitté le Chiapas en Juillet, une des participantes du séminaire, Alba Ramirez (UNACH, Chiapas), a pris le relai comme bénévole auprès de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH.

A la fin des six mois de séminaires, nous avons ressenti le besoin de nous réunir à nouveau dans un autre contexte, et avec un objectif précis, celui de valoriser les pratiques des parteras Autochtones traditionnelles. Une autre collègue, Irazu Gomez (UNAM, Chiapas), a suggéré qu’un nouveau cycle de séminaire soit organisé, cette fois-ci de façon itinérante (le lieu changera à chaque fois), afin de toucher plus de public, et en présence des sages-femmes directement concernées par ces thématiques, afin de permettre un échange direct entre les participants au séminaire et ces dernières.



Ce genre d’événement n’avait, il semblerait, jamais eu lieu auparavant au CIMSUR, c’est pourquoi la première session de ce nouveau séminaire s’est déroulé là-bas.Une vingtaine de participant.e.s ont répondu à notre invitation, parmi lesquel.les sages-femmes, médecins, professeurs, chercheu.se.r.s et étudiant.e.s, et sept parteras membres d’OMIECH. La plupart sont de la région de Chenalho (Tzabalho, Yabteclum, Las Limas…) et de Huixtan (Carmen Yaal Ch’uch).  Micaela Ico Bautista, la coordinatrice de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH a encore une fois fait preuve de ses talents de modératrice et d’interprète.

Le film « Aprendi Sola » (J’ai appris toute seule) d’Agripino Ico Bautista a été projeté, afin d’offrir un aperçu de l’ampleur du labeur des parteras dans les communautés Mayas des hauts-plateaux du Chiapas.

Nous avions établi une liste de questions à poser afin d’aider à lancer le débat, principalement sur les raisons du choix de ces parteras de ne pas accepter les formations biomédicales du gouvernement ou autres organisations, ainsi que sur les raisons de la création de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH.



Les parteras ont, comme toujours, fait preuve d’un rare sens de l’humour en répondant aux questions. Pour vous donner quelques exemples :

« Moi je n’ai pas envie d’apprendre à suspendre un bébé par les pieds comme un poulet lorsqu’il né. C’est ce que font les médecins, et ça ne sert à rien. D’ailleurs après on vient nous voir pour soigner le bébé qui pleure tout le temps, et moi quand je pulse son poignet pour écouter son sang parler, il me dit qu’il a été effrayé parce qu’à sa naissance on l’a suspendu par les pieds ! »

« Je ne suis pas née dans la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH ! Oui certes, cette organisation nous soutien, et donc j’en fait partie, mais nous les parteras on est là depuis toujours ! Ma mère était partera avant moi, et mon père était guérisseur, et moi je suis partera depuis que je suis enfant ! Je n’ai fait partie de cette organisation que plus tard, à l’âge adulte, mais moi j’étais déjà partera depuis longtemps ! »

Partera de Chenalho

« A quoi bon faire appel à un médecin pour accoucher ? Personnellement, je n’en ai jamais eu besoin, j’ai été ma propre partera les 11 fois que j’ai donné naissance à mes enfants. Pourquoi aurai-je besoin d’un médecin pour apprendre ce que je sais déjà faire ? »

Partera de Las Limas



Lorsque la question leur est alors posé : « Alors dans ce cas, comment expliquez-vous un taux si élevé de mortalité materno-infantile dans l ‘état du Chiapas ? ».
Elles répondent :


« Personnellement, je n’ai jamais vu une femme mourir en couche. J’ai plus de 60 ans et j’accompagne les naissances depuis mes 16 ans. J’ai entendu parler que dans des communautés dans le voisinage de la mienne, il y a eu des morts, mais ça ne m’est jamais arrivé. Ça arrive parfois quand les femmes accouchent seules, ou quand elles accouchent à l’hôpital.»

Partera de Yabteclum


La question suivante, en toute logique était : « Mais alors à quels cas d’urgences êtes-vous confrontées ? Et comment parvenez-vous à les résoudre ? »

« Il arrive qu’il y ai des hémorragies, mais nous savons les arrêter avec des plantes. Parfois, le bébé se présente mal, mais c’est pour ça que nous suivons la patiente depuis le début de sa grossesse, afin de lui masser l’abdomen régulièrement, cela maintient le bébé dans la meilleure position pour naître, et cela soulage la maman de douleurs éventuelles. Pour nous tout ça, ce sont des dangers que l’on parvient à gérer, mais à condition d’accompagner la maman au cours de sa grossesse. Car le plus gros facteur de risque pour nous, c’est qu’elle ne se sente pas bien. Nous avons besoin de nous assurer qu’elle n’est pas en colère, triste, déprimée, qu’elle ne subi pas d’humiliations, de dépréciation, de violences morales ou physique… Cela peut provoquer un abandon de soi-même, et au moment de la naissance, la femme peut être tentée de « se laisser partir ». Mais si elle aime la vie et que ses conditions de vie sont bonnes, ni elle, ni le bébé n’ont de raisons de souffrir, et l’accouchement ne se complique pas.
Mais aussi, nous nous assurons qu’elles sont protégées en allant faire des cérémonies de protection au cours de sa grossesse et après la naissance. Après on se sent bien, et la famille aussi. »

Partera de Chenalho



« Nous prenons soin d’elles. Elles se sentent soutenues, et elles ont confiance en nous. Si elles souffrent d’un problème au cours de la grossesse, de la naissance ou du post-partum, nous prenons les mesures pour le résoudre.
Nous utilisons des remèdes à base de plantes ou d’animaux, de l’argile, des massages, des cérémonies, et nous faisons ensemble un bain de temazcal
Nous faisons de la prévention de complications et nous évitons ainsi les urgences et les risques de mort. »

Partera de Carmen Yaal Ch’uch


Un professeur demande alors si elles ressentent la nécessité d’apprendre des outils, des pratiques médicales Occidentales afin de compléter leurs connaissances.

« Notre connaissance, nous l’avons héritée de nos ancêtres, cela fait des dizaines de générations de parteras dont l’expérience nous est transmise. Depuis combien de temps existe votre médecine au juste ? »

Partera de Tzabalho


« Nous on se préoccupe vraiment de la santé des femmes. A quoi cela va servir à notre communauté d’apprendre à les peser et à les mesurer une fois par mois, sans chercher à savoir comment elles se sentent ? Je préfère être proche d’elle et que l’on est confiance l’une en l’autre. Je préfère m’assurer que son bébé va bien, que tout se passe bien dans son quotidien. Dans le cas contraire, j’œuvre pour que ce qui ne va pas soit résolu. C’est ça mon travail. »

Partera de Carmen Yaal Ch’uch




Christiane Ulrich, une sage-femme Allemande installée dans une communauté de Huixtan depuis 3 mois, témoigne que les conditions de prise en charge des patientes dans les hôpitaux et cliniques de la région sont inquiétantes. D’après elle, la négligence avec laquelle sont traitées les personnes Autochtones sur place pourraient causer plus de complications qu’en résoudre.

Au final, une jeune sage-femme Autochtone formée par l’une des seules écoles de sages-femmes dans le centre du pays explique sa décision d’avoir accepté une formation biomédicale. Tout comme les parteras traditionnelles d’expériences, elle a commencé à accompagner des naissances très jeune. Elle a pris en charge les premières naissances seule à l ‘âge de 17 ans. Mais un jour, sont survenues des complications qu’elle n’a pas su résoudre. Elle a alors pris la décision de partir étudier à l’école de sages-femmes CASA, à San Miguel Allende. Elle travaille maintenant dans la maternité de San Juan Chamula.
Selon elle, lorsque l’on quitte la communauté, à l’extérieur les parteras ne jouissent plus du même respect et statut social. En quittant sa communauté, elle s’est aussi exposée à la dévalorisation de cette pratique, et a manqué de reconnaissance.



Ce récit touchant prouve bien qu’il est urgent de décriminaliser les parteras. Sinon bien au contraire de valoriser leur pratique et leur dévouement exemplaire au sein de leur communauté !

Récit à suivre avec la prochaine session de ce séminaire...


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Une belle soirée pour Mâ et OMIECH !


Texte : Aurélie Bes de Berc

Crédit photo : Aurélie et Stéphanie Bes de Berc 



Samedi 20 juin, Mâ organisait une soirée de soutien aux femmes et sages-femmes d’OMIECH au bar le Panama, où nous avons été très bien accueillis par Christophe et Christiane, dans une ambiance chaleureuse et décontractée.

La soirée a commencée par la projection dans le bar du documentaire « Apprendi Sola », réalisé par Agripino Ico Baptista en 2011 lors d’ateliers organisés par OMIECH. Une quinzaine de personnes attendaient dans le magnifique jardin du Panama, sirotant l’apéro au soleil, tandis que Christophe, ayant au préalable installé la salle pour la projection, se battait avec les câbles pour trouver la bonne connexion entre mon ordi, son vidéoprojecteur et sa sono.


En attendant, nous avons disposé sur les tables avec Laure, Gwenola et Anne l’artisanat du Chiapas à vendre, ainsi que les cakes et les tartes fait maison à déguster à prix libre!




Une fois prêt, nous sommes allés chercher tout le monde au jardin et avons pu débuter la projection d’ « Apprendi sola » a 18h30 avec une salle bien remplie, environ une quinzaine de personnes dont Laure, Gwenola, Anne, et même un médecin de Pontchaillou (également musicien) qui s’est retrouvé là par hasard car il s’était trompé de date !
A la fin de la projection, nous avons échangés sur les besoins d’OMIECH, la difficulté de transmission des savoirs, la distance et l’accès difficile entre les communautés, et aussi sur l’utilisation des plantes. Sur ce point, nous avons également évoqué l’association d’ethnobotanique locale « La Liètt » qui collecte actuellement les savoirs des anciens sur les plantes en pays gallo.

Après cet échange, place à la musique ! Une super soirée de concert a ainsi débuté…le soleil était au rendez-vous et on a pu jouer dehors ! :)









Grâce a l’investissement de tous et au soleil, Mâ a pu clôturer cette soirée dans la joie et la bonne humeur et remercie tout un chacun du fond du cœur pour sa présence et sa participation !

Aurélie

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4 semaines auprès d’Angelina

Texte : Florence Wouters, sage-femme

Crédit photo : Florence Wouters


Angelina a maintenant déménagé à Tepoztlan, petit village entouré de fabuleuses montagnes, à 1h30 de Mexico city.
Actuellement, elle n’a plus de maison de naissance, mais elle est en train d’en construire une dans le fond de son jardin. Dès lors, elle se déplace chez les gens, dans le village et ses alentours, parfois jusque Mexico city. Elle travaille seule (mais est souvent accompagnée d’une stagiaire) et assiste +- 8 naissances par mois.

Angelina est une femme impressionnante, d’un dévouement sans limites. Son boulot passe avant tout. Elle ne regarde jamais l’heure, prend le temps nécessaire pour écouter, soulager, consoler toutes ces femmes au ventre rond. Sa famille doit s’adapter aux horaires toujours imprévisibles que lui imposent sa profession, pas toujours évident… mais son mari et ses 5 fils la soutiennent et l’admirent pour tout ce qu’elle fait.

Il est 2h du matin, une petite voix me réveille “Flor, on va avoir une naissance”. La dame ne voulant pas accoucher chez elle, elle est en route pour venir accoucher chez Angelina. Du coup, celle-ci réveille son fils pour qu’on ait une chambre disponible pour la naissance.  La dame arrive, accompagnée de son mari, sa maman et sa première fille. Je l’installe sur le lit, Angelina part chercher quelque chose dans la cuisine et pendant ce temps, je vois que le bébé s’impatiente, la dame pousse 2 fois  et hop, voilà la petite Valeria entre mes mains!

Quelle entrée en matière, je suis arrivée chez elle cette après-midi!


Je la pose tout de suite en peau à peau sur sa maman, soulagée que ce soit fini. 30 minutes plus tard, après la délivrance du placenta, Angelina pose alors ses habituelles questions.
“Tu veux que je te prépare un milkshake ou un tacos de placenta? Tu veux que je le déshydrate pour t’en faire des capsules? C’est plein de fer et te donnera des forces pour éviter la dépression post-partum.”
La plupart des gens acceptent le milkshake (qui est généralement fait à base de mangue ou de banane mélangées avec un petit bout de placenta), ainsi que les capsules.





Ceux qui ne veulent pas les capsules, le plante alors dans leur jardin. Organe sacré qui a permis de nourrir l’enfant durant ces 9 premiers mois de vie, nul ne pense à le jeter bien évidemment.
Les consultations prénatales auxquelles j’ai pu assister consistent essentiellement à écouter les peurs, répondre aux questions et plaintes des mamans. Angelina vérifie ensuite les habitudes alimentaires et donne des conseils nutritionnels. Elle est très exigeante sur ce point et peut refuser d’assister une naissance à la maison si la maman ne prend pas soin d’elle à ce niveau. C’est la base pour une grossesse physiologique et un accouchement sans complications.
Il faut savoir que le Mexique fait partie des pays avec le plus haut taux d’obésité et de diabète au monde...
 Angelina explique aussi le processus naturel de l’accouchement afin de donner confiance aux femmes en leurs capacités de donner naissance. Elle ne cesse de répéter “nous sommes dessinées pour donner naissance, le corps sait, il suffit de le laisser travailler”. Elle contrôle aussi la tension artérielle et la hauteur utérine, analyse les urines et écoute le cœur du bébé.




Les personnes qui viennent consulter balayent toutes les catégories sociales. De la communauté indigènes aux étrangers vivant dans la région en passant par la classe moyenne mexicaine. Reconnue pour ses compétences et son expérience, son téléphone ne cesse de sonner!  

L’outil de travail principal d’Angelina est le rebozo. C’est un tissu qui est employé pour soulager les douleurs musculaires/ligamentaires, pour mieux positionner le bébé, pour accélérer le travail et favoriser l’engagement du bébé dans le bassin.

Il est aussi utilisé en postnatal pour un rituel nommé “la cerrada”. Environs 3 semaines après la naissance, une fois que la femme ne perd plus de sang, Angelina leur propose de clôturer cette étape de la vie, de refermer le corps physique et spirituel. C’est une occasion donnée à la maman pour qu’on prenne soin d’elle après ces quelques semaines épuisantes où elles n’ont cessé de donner.
Cela commence par un bain chaud dans lequel ont macéré 7,8 plantes (romarin, eucalyptus, basilic, cannelle, grande camomille,…). La nouvelle maman s’y immerge pendant 30 minutes durant lesquelles Angelina chante quelques mélodies chaleureuses tout en versant de l’eau sur les parties du corps non immergées.

Ce moment engendre souvent des sanglots libérateurs, signes du bouleversement psychique et physique de cette période postnatale.
Ensuite, la maman se couche sur un lit, et on serre tour à tour chaque partie de son corps avec le rebozo. On commence par la tête puis on descend vers  les épaules, le bassin, les cuisses, les genoux, et on termine par les chevilles.
Angelina clôture le rituel en positionnant la mère en position fœtale et en la serrant très fort dans ses bras. Cela provoque une telle détente que les femmes s’endorment et en profitent pour faire une petite sieste ressourçante.




Angelina traite aussi les femmes souffrant d’infertilité en leur proposant plusieurs séances composées de massages, de moxibustion et de concoction de plantes.



Durant ces 4 semaines, j’ai eu l’occasion d’assister à 7 magnifiques naissances et de vivre au sein de la charmante famille d’Angelina. Un concentré d’apprentissages, tant culturels que professionnels!
Merci à Angelina, Leticia, Valeria, Efrain, Luz-Ana, Eduardo, Maya, Violeta, Sima, Santiago, Mauricio, Geytsa et tous ceux dont le nom m’échappent déjà…pour ce partage inoubliable.


Florence




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La mortalité maternelle 

fait aussi partie de la violence


Texte : Mirena Mollinedo /ASICh

Traduit de l'espagnol par Céline Paillet


Crédit photo : Alice Bafoin


Atelier de la Section femmes et sages-femmes d'OMIECH, Carmen Yaal Ch'uch, Chiapas

San Cristóbal de Las Casas, Chiapas.- La coordinatrice de la Section Femmes et Sages-Femmes de l’Organisation des Médecins Indigènes de l’Etat du Chiapas (OMIECH), Micaela Icó Bautista, travaille depuis 30 ans dans le domaine. Cette dernière déplore que dans le Chiapas les femmes enceintes qui entrent vivantes dans les hôpitaux publics, soient rendues mortes à leurs proches.
Dans une interview, cette femme Tsotsil indique qu’ « il y a de la discrimination, de la violence, et aussi du racisme reflété dans les statistiques de mortalité maternelle ».

Elle insiste sur le fait que la mortalité maternelle, principale cause de mortalité chez les femmes du Chiapas, est liée à la mauvaise qualité des services médicaux proposés dans les hôpitaux – servies qui peuvent même être inexistants dans certains cas.

Micaela Icó Bautista note que les soins dispensés dans les hôpitaux publics laissent à désirer, mais parallèlement, elle reconnaît que la mort maternelle peut aussi être liée, dans certains cas précis, au manque d’attention de certaines femmes, qui viennent à leurs rendez-vous une fois leur grossesse avancée, prenant ainsi des risques.

« Souvent, on accuse les sages-femmes d’être les responsables de la mort maternelle, parce qu’elle n’ont pas de titre comme les docteurs. Mais elles sont tellement compétentes qu’elles sont respectées dans leurs communautés, où leur travail est valorisé », mentionne-t-elle.

Elle note que dans l’entité chiapanèque « les femmes ne meurent pas juste comme ça, elles meurent parce qu’elles endurent et endurent et finissent par se rendre chez la sage-femme car le bébé est  prêt à naître. La femme peut mourir, le bébé aussi, et c’est pour ça que nous organisons des programmes d’ateliers dans les communautés : pour éviter les morts maternelles ».

Elle dit que les sages-femmes n’ont pas fait d’études, mais qu’elles peuvent faire une formation (du gouvernement ndlt) et obtenir leur diplôme. Mais si elles n’ont rien, pas un même un papier, alors elle ne valent rien. « Là est le problème », explique-t-elle.

« Ils ne veulent pas reconnaître les sages-femmes parce qu’eux, les docteurs, ont du soutien, sont allés à l’université, mais ce qu’ils ne disent pas c’est à combien de femmes ils introduisent un dispositif intra-utérin sans leur consentement », explique-t-elle.

Le pire dans tout ça, dit-elle, c’est que quand les futures mères se rendent chez le médecin, elle rentre vivante à l’hôpital et on les rend mortes à leurs proches, comme cela s’est produit avec Susana Hernández, une jeune femme Tsotsil qui est décédée en 2013, après une opération des ligatures des trompes utérines durant une césarienne, à l’Hôpital de la Femme de San Cristóbal de Las Casas.



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Rencontre de sages-femmes traditionnelles Mayas du Chiapas


 Crédit photo: Agripino Ico Bautista
 Texte: Alice Bafoin

Les 27 et 28 février 2014, avait lieu la première rencontre en 5 ans des sages-femmes traditionnelles Mayas membres d’OMIECH (Organisation des Médecins Indiens de l’Etat du Chiapas). A l’exception d’un évènement ayant été organisé en 2012 pour accueillir les sages-femmes Mayas d’Amigas, une organisation du Guatemala, les membres du réseau de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH ne s’étaient pas réunies depuis 2009. Elles étaient auparavant invitées à se rejoindre pour un événement de 2 jours chaque années depuis 1985. Seulement les sources de financements se sont asséchées, et les projets d’ateliers dans toutes les communautés membres ainsi que les rencontres annuelles se sont interrompues. Cette rencontre 2014 est donc porteuse d’espoir pour les sages-femmes membres de l’organisation, en demande de reconduite de projets au cours de ces dernières années. L’association Mâ travaille depuis 2010 en partenariat avec la Section femmes et Sages-Femmes d’OMIECH afin de contribuer à la relance des activités et à la coréalisation d’un plan d’autofinancement basé sur la vente de châles porte-bébés solidaires.
Pour plus de détails, consultez la page « Artisanat » du blog de l’Association Mâ.

Tout a commencé lors d’une réunion de l’équipe de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH en juin 2013 avec les membres de l’association MA . Afin de relancer les activités de la Section, un événement à moyen budget et rassemblant un maximum de membres semble une solution idéale. Grâce à la campagne de crowdfunding sur le site Kisskissbankbank, toute l’équipe travaille sur la préparation de l’événement bien occupé.e.s entre la récolte de fonds, la préparation d’un programme de la rencontre… De Paris à San Cristobal en passant par Nantes et New York, le projet est enfin lancé en ligne le 13  octobre 2013 pour une durée de deux mois.
L’information est relayée par mails, sur les réseaux sociaux et lors d’interventions au cours d’évènements tels que Les Rencontres Autour de la Périnatalité ou le Forum des Transitions de Guichen.


Grâce aux ami.e.s de l’association Mâ et à des inconnu.e.s touché.e.s par le projet, la campagne est une réussite. Le 13 décembre 2014, la campagne est bouclée et nous passons à la phase suivante. Le moment est venu d’annoncer la bonne nouvelle à Micaela…

En Janvier ; Mounia se rend disponible dans le Chiapas auprès de Micaela afin de l’aider à organiser la rencontre. Elles établissent ensemble la liste du matériel nécessaire, rédigent un programme, établissent des thèmes et pensent la méthodologie choisie. Mounia profite de ce temps pour soumettre une demande de financement à Awesome Foundation, qui approuve la requête de financement et envoie 1000 dollars de complément pour l’édition des livrets récapitulant l’historique de la rencontre, ainsi que la réalisation d’une vidéo de l’événement. A un jour d’intervalle, Mounia rentre aux Etats-Unis pendant qu’Alice arrive de France. La rencontre continue de s’organiser, Alice et Micaela font les achats principaux et prévoient les derniers détails en compagnie des autres membres de la Section Femmes et Sages-Femmes.

Enfin, le 27 février au matin, les sages-femmes commencent à arriver de leurs communautés… Plus de trente invitées ont répondu présentes. Sept jeunes femmes d’origines Tzotziles et Tzeltales étudiantes en médecine interculturelle à l’université de la UNICH (Université Interculturelle du Chiapas) se joignent à nous en tant que volontaires pour animer les tables rondes et transcrire les informations échangées entre sages-femmes. Don Victorio, l’ »Ilol » (le « guérisseur » en langue Tzotzil) qui offre ses services dans l’une des salles du Musée, ouvre la rencontre avec une cérémonie traditionnelle. 

Puis, la Mesa Directiva (le bureau) d’OMIECH se présente et souhaite la bienvenue aux invité(e)s. Chaque personne se présente une à une. Micaela introduit la rencontre en abordant les thématiques choisies cette année. Au programme, sont proposés les thèmes de l’attention de la grossesse ; les solutions connues pour résoudre les complications pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum ; et les relations entre les sages-femmes traditionnelles autochtones et les médecins (sous-entendu également, les institutions gouvernementales et non-gouvernementales chargées de « former » les sages-femmes à des notions d’infirmerie).

Les sages-femmes sont ensuite invitées à participer à des tables rondes. Une par groupe ethnique, soit un groupe Tzeltal et un groupe Tzotzil. Les étudiantes volontaires animent ces échanges en posant des questions ou en suggérant des thèmes. Puis elles notent le fil des discussions sur leurs cahiers. L’heure du café arrive, les sages-femmes se retrouvent pour boire, manger leur « pan de semita » et échanger ensemble. Les étudiantes, elles, notent les points importants de cet échange sur une grande feuille de papier.

De retour en plénière,  les étudiantes présentent les thèmes abordés à toute l’assemblée. Puis la conversation continue dans la lancée des mêmes sujets.


Micaela anime les ateliers en relançant d’autres thèmes à la suite des premiers exposés. C’est avec émotion que l’assemblée écoute respectueusement de longs et beaux témoignages de femmes et d’hommes à qui l’on donne la parole pour la première fois depuis longtemps.

La majorité des participant.e.s sont des Mayas originaires des hauts-plateaux du Chiapas, originaires de campagnes et montagnes peu accessibles, où les routes sont sinueuses et souvent même absentes. Grâce à cette protection naturelle, les « conquistadores » ont colonisé la région tardivement, et la population autochtone la plus isolée géographiquement préserve ardemment ses savoirs et sa culture millénaire. Les femmes accouchent à domicile et les sages-femmes traditionnelles (parteras) existent depuis toujours.  

« Afin que la naissance ne tarde pas, nous préférons la position à genoux soutenues par nos maris. Nos bébés doivent déjà être en bonne position dans le ventre afin d’éviter les complications. Cette position est celle dans laquelle le bébé doit naître. En comparaison, à l’hôpital où on les oblige à accoucher allongées, c’est plus difficile et il y a plus de complications. Ça n’aide pas à trouver la force nécessaire pour donner naissance, car là-bas, personne ne soutient les femmes. »  
Sage-femme Tzotzil de Las Limas

Les sage-femmes traditionnelles dédient la majeure partie du temps à la future maman pendant la grossesse afin de préparer une naissance facile.

«  Je prescris des plantes (à la maman) et surtout je m’assure qu’il n’y ai aucune anomalie et que le bébé est bien placé. Lorsque le bébé est positionné « de travers » dans le ventre, je détecte au toucher quelle partie de son corps à besoin d’être replacée, puis je le masse pour que l’enfant se remette à la bonne place. »

Sage-femme Tzeltal du village de Tenejapa


Quelques sages-femmes autochtones présentes sont dorénavant devenues citadines. Leur pratique a muté avec l’influence forte de la culture occidentale en zone urbaine.

«  Lorsque je me retrouve face à une complication au cours d’une naissance, comme par exemple quand l’enfant se présente en siège, j’introduit un peu mes doigts dans le vagin de la femme pour l’aider à accoucher. De cette manière, l’enfant peut sortir rapidement et sans complications. »

Sage-femme Tojolabal de la ville de San Cristobal

Entre sages-femmes, selon si elles perpétuent une pratique traditionnelle, ou s’engagent dans une voie plus moderne, il y a parfois des différends.

« Pour qu’une naissance soit facile, l’important est de bien accompagner les différentes étapes de la grossesse. Ainsi, on évite les complications à l’accouchement. Il n’est pas nécessaire d’introduire  les doigts dans les parties génitales de la femme. Ça n’est pas une poule à qui on vient chercher son œuf ! »
Sage-femme Tzotzil de Chenalho


 Les deux jours s’écouleront dans cette dynamique. Une grande plénière couvre toute la matinée du lendemain où les sages-femmes traditionnelles échangent toutes ensemble au sujet de leurs relations avec les médecins, les hôpitaux, les organisations gouvernementales et non-gouvernementales qui souhaitent les « former » à tout prix sans se soucier de l’existence de connaissances déjà acquises par ces femmes.

« J’étais une sage-femme traditionnelle, mon savoir était empirique. Puis j’ai reçu une formation de la part du Ministère de la Santé. Aujourd’hui je dis qu’avoir un certificat qui atteste que l’on est sage-femme n’est pas une bonne chose, car cela devient un travail pour le gouvernement et cela signifie avoir un « chef ». Ce dernier va nous former, va minimiser nos connaissances déjà présentes comme quelque chose d’inutile… Être une sage-femme liée au gouvernement est vraiment compliqué. La sage-femme formée se met à chercher son propre bénéfice et oublie le bien-être de l’enfant et de la mère. En comparaison, la sage-femme traditionnelle considère la femme comme un pilier important de la famille et la soigne de manière à ce qu’elle soit en meilleure santé possible. La sage-femme traditionnelle comprend la femme qu’elle accompagne et quels sont les besoins de sa communauté car elle en fait partie elle-même et ressent ce qu’elle ressent. »

Sage-femme Tzeltal du village de Cancuc


« Nos connaissances ne sont pas respectées, leur valeur n’est pas reconnue. Par contre, la médecine allopathique et tout les équipements technologiques utilisés en obstétriques sont acceptés et considérés comme le plus efficace. Alors nous, les sages-femmes traditionnelles nous sommes discriminées et subissons des violences. Les médecins qui dispensent les cours aux sages-femmes qui acceptent de s’allier au gouvernement disent que notre pratique n’est pas recommandable et même dangereuse, ils déprécient le savoir des sages-femmes traditionnelles en affirmant que nous ne savons rien faire en lien avec la technologie, comme si c’était l’unique bonne voie existante pour tous. C’est en écoutant tout ça que nous nous sommes rendues compte qu’ils ne nous respectent pas. »

Sage-femme Tzotzil du village de Carmen YaalChuch

« Nous devons continuer de mettre en pratique les connaissances de nos ancêtres. En ces temps-là, notre peuple jouissait d’une meilleure qualité de vie qu’aujourd’hui.  Avant, nous n’utilisions que les ressources naturelles, il n’y avait pas de chimiques. Je constate qu’à présent, on trouve des produits chimiques partout dans la nourriture et les médicaments. » *

Herboriste Tzotzil du village de Yabteclum



Mais les sages-femmes traditionnelles voient d’autres obstacles au libre exercice de leur pratique :
« La religion a aussi un impact négatif sur notre travail car elle provoque la perte de coutumes et traditions autochtones. Aujourd’hui, avec toutes les nouvelles religions, il est difficile de préserver notre culture. »**
Sage-femme Tzotzil du village de Chenalho
 
Beaucoup d’autres sujets sont abordés dans les conversations de groupes et les plénières. Les étudiantes volontaires Tzoltzils et Tzeltals en médecine interculturelle partagent parfois leur point de vue et leurs découvertes. L’une d’elles affirme n’avoir jamais su auparavant que l’on accouchait en position verticale dans les communautés autochtones.

Avant la clôture, des capes imperméables achetées au marché sont distribuées à chaque sage-femme traditionnelle présente. Des lampes à dynamo achetées au préalable en France et ramenées dans nos valises sont également offertes. Nous avons pris ce parti pour des raisons pratiques, écologiques et économiques.

Elles seront ainsi protégées de la pluie au cours de leurs grandes marches en montagnes pour rejoindre les maisons de leurs patientes. Et dans le cas d’une naissance en plein milieu de la nuit, les lampes de poches les aideront à éclairer leur chemin dans la montagne.

La source de financement de cette rencontre est exposée aux participant.e.s, qui manifestent leur reconnaissance à tous les co-financeurs de ce projet. Et se disent être touchés de bénéficier d’un soutien moral et financier provenant de l’étranger, car dans leur propre pays, leur reconnaissance n’est pas acquise. Elles remercient cet acte de solidarité et encouragent les autres sages-femmes persécutées partout dans le monde à résister.
 
En conclusion, une sage-femme Tzotzil de San Andres Larrainzar déclare :
« Pour les sages-femmes anciennes ici présentes, ces rencontres nous placent en position de guides, notre intérêt est d’être présentes pour transmettre aux jeunes générations afin de préserver la vie. Nous souhaitons que d’autres évènements comme celui-là soient organisés dans le futur, afin de partager nos connaissances à nos frères et sœurs Mayas. »


* Notons que le Mexique signe le 1er janvier 1994 l’accord de l’ALÉNA (Accord de Libre-Échange Nord-Américain) avec le Canada et les Etats-Unis afin d’éliminer les barrières douanières et faciliter les échanges transfrontaliers de marchandises et services (sans accorder les mêmes droits aux populations). Le marché alimentaire et pharmaceutique américain a alors envahi le territoire du Mexique.

 ** « L’Église Catholique a créé dans les années soixante un groupe étendu de pastorales ralliées à la diocèse dans le but de reconvertir les indigènes. Protestants et catholiques sont différents en bien des aspects, mais ils se rejoignent quant aux attaques envers les pratiques traditionnelles à caractère chamanique. Ces dernières sont associées aux formes religieuses des « coutumes » et sont considérées dans les discours publics en tant que formes diaboliques associées au « Mal ».  (Pedro Pitarch, 2000. En el Museo de la Medicina Maya, Universidad Complutense de Madrid).


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Les Rencontres Autour de la Périnatalité

Texte : Alice Bafoin
Crédit photos : Ania Slominska

Les 4-5 et 6 octobre 2014, avaient lieu les Rencontres Autour de la Périnatalité à Orléans. A la base un festival de film de naissance, bien au-delà de cela, un véritable congrès riche de rencontres et de d’échanges comme on les aime. L’association Mâ est intervenue avec une conférence intitulée « La Culture Matrilinéaire Maya », tenue par Fernando Hernandez Ojob.
La tenue du stand de l’association Mâ et la présence de notre petite Yox Kanal ne nous a pas empêchés de suivre une bonne partie du programme.
C’est donc l’occasion de partager avec vous ce temps fort chaudement recommandé lors d’une prochaine édition.

Amandine Cadars et sa nièce

La fondatrice de l'évènement, Amandine Cadars, vivait il y a quelques années de cela en Californie avec son mari Sylvian. Elle s’y est formé en tant que doula et est devenue amie avec Debby Takikawa, la réalisatrice de « What Babies want’s » et fondatrice du « Baby ! International Film Festival ».  Amandine réalise également un mémoire de maîtrise en Sciences de l'Education à la Santé, sur les maltraitances ordinaires en périnatalité et s'intéresse aux effets iatrogènes de l'approche de notre médecine occidentale et, à l'inverse à toutes les approches développées pour améliorer les données épidémiologiques. Amandine et Sylvain rentrent en France pour donner naissance à leurs adorables jumeaux. Après avoir expérimenté l’accueil réservé aux nouveau-nés dans son pays natal, Amandine décide d’importer le principe du festival de films de naissance et créé Les Rencontres Autour de la Périnatalité.

Projection et présentation, avril 2011
Pour commencer, il s’agit de retrouvailles, car nous étions déjà présentes (Hélène Porcher et Alice Bafoin) au tout début, lors de la première édition au printemps 2011. Le documentaire « Savoirs des sages-femmes Indiennes du Chiapas » d’Agripino Ico Bautista était projeté pour la deuxième fois en France. 
Projection, conférence, octobre 2011

Puis, à l’automne de la même année, Amandine nous invitait 
Agripino Ico Bautista, Fernando Hernandez et moi à faire une éscale à Orléans lors de notre tournée associative,  pour un soirée projection, conférence et débat autour d’un repas.

C’est une grande famille que l’on retrouve en octobre 2013. Il faut croire qu’on y prend goût… L’accueil du vendredi soir est convivial, avec miam miam et papotages.



PROGRAMME DU WEEK-END:



Le même soir, est projeté le film « La naissance, une révolution » de Franck Cuvelier, un incroyable historique de l’évolution du monde de la naissance au cours du vingtième siècle. Je félicite le réalisateur pour son superbe travail de recherche. On parcoure depuis l’introduction de la méthode de l’accouchement sans douleur venue d’URSS à la maternité des Bluets à Paris, anciennement clinique des Métallurgies, fréquentée par les femmes du monde ouvrier. Puis, clin d’œil à Max Ploquin que l’on voit tout encore jeune en pleine création audiovisuelle d’une naissance à la ferme avec la fameuse méthode… Jusque là, la naissance est une affaire d’hommes. Pour l’illustrer, on nous montre même l’affiche du film « Le cas du docteur Laurent » avec Jean Gabin. Juste pour vous montrer le symbolisme de cette image, je vous la restitue ici. 

No comment
Mais les années 60 arrivent, les femmes et les sages-femmes reprennent en main ce qui les concernent. C’est une Chantal Birman de cette époque qui nous apparaît sur l’écran (celle de notre époque était dans la salle avec nous), au beau milieu d’une naissance à domicile dans une communauté de la campagne française, en présence d’enfants et d’amis. Enfin, l’histoire de Frédérique Leboyer nous est contée. J’apprends, stupéfaite, que son discours si évident de nos jours a été reçu très violemment par ses confrères en premier lieu. Il a délivré son message en souhaitant aux français d’en faire bon usage en temps et en heure, puis, le même jour, il quitte l’ordre des médecins pour rejoindre la société des auteurs. Enfin, il s’exile en Angleterre… cela me rappelle étrangement l’histoire de Michel Odent. Pourquoi reçoit-on si mal les porteurs de messages humanistes dans ce pays soi-disant des Droits de l’Homme ?



La suite des Rencontres, les samedi et dimanche, je ne la connais pas intégralement car notre petite bénévole d’un an et demi fatiguait vite…


Stand de l'association Mâ


Anne Loirette, Timéo et les Autres
Pour vous conter ce qui m’a littéralement bouleversée, je passe directement à la présentation de Timéo et les autres, excellemment orchestrée par Anne Loirette la même après-midi. Petites et grandes assos, je vous recommande de l’inviter lors de vos évènements, vous ne le regretterez pas! Le diaporama est en ligne sur le blog des Rencontres Autour de la Périnatalité. Les dérives du déclenchement, les protocoles hospitaliers abusifs et l’usage dangereux du Cytotec au programme… Je ne vous en dis pas plus, elle l’explique mieux que moi.

Pour apaiser l'ambiance, une image de la grace de Céline Hereng Dubois de la Cie Kimé. 

Céline Hereng Dubois de la Cie Kimé

« What Babies want’s » est un documentaire qui met en lumière les conséquences de traumas liés à la naissance sur la vie de l’enfant et du futur adulte. Un passage est très parlant. Un centre de soin a été crée aux Etats-Unis pour guérir les patients d’une naissance traumatique. Une sage-femme travaillant dans ce centre est recontactée par une mère six ans après la naissance de sa fille. La petite présente des troubles du comportement. Lors d’une consultation filmée, l’enfant est invitée à jouer avec une boîte de Playmobil « hôpital ». Elle reproduit alors au détail près la scène de sa propre naissance, en installant la perfusion et les chaussons de sa maman du bon côté du lit… Puis elle fera quitter la pièce en urgence au bébé dans sa petite « boîte ». La mère et la sage-femme racontent alors que la scène s’est effectivement passée ainsi. L’enfant a été emmené en urgence dans une autre pièce pendant que l’on arrêtait l’hémorragie de sa maman. Elle a senti la peur et la panique, et a cru que sa maman allait mourir… La reconstitution et l’écoute attentive de l’équipe de thérapeute auraient permit à la petite fille d’être libérée de cette émotion figée dès sa venue au monde.
Une expérience intéressante, démontrant l’ampleur de la sensibilité du nouveau-né. La forme du film ne touche pas tous les spectateurs français en raison d’un style très américain. Mais en passant au dessus, ce documentaire vaut le détour.

Fernando Hernandez Ojob


La conférence de Fernando Hernandez Ojob sur «  La culture matrilinéaire Maya » clôture le week-end. L’histoire des femmes de son peuple est retracée sous les regards attentifs. Les personnes présentes ont offert une magnifique capacité d’écoute et des échanges profonds lors du débat.


Voici une partie de l’énoncé de la conférence ci-dessous.

Et pour clore cet article, j’aimerai remercier Amandine grâce à qui cette grande famille continue de se réunir. Merci d’avoir ouvert l’espace à tous les enfants présents, imprégnés de paroles et d’images qui guideront leurs chemins. Ils ont grandement participés à cet événement et nous ont rappelé la joie. Un câlin à toutes celles et ceux avec qui les échanges et retrouvailles ont étés si doux. Chacun(e) d’entre vous apporte sa couleur à ce paysage de la naissance qui, un jour, osera ôter son triste gris…

 

Alice


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La culture matrilinéaire Maya


Malgré la colonisation, l'imposition d'un système économique, politique, social et religieux, le Peuple Maya Tzotzil maintient son essence issue d'une culture matriarcal/matrilinéaire, ainsi que son respect et sa connexion avec la Mère Terre. Pour ce peuple, ceci inclut un respect pour la vie et celle qui nous donne la vie : la Femme. « ME » est la racine fondamentale du tout, c'est l'énergie primordiale féminine de la création, le principe de vie. Elle préserve les enseignements traditionnels, les rôles qui définissent la position de la femme et de l'homme dans la communauté. Tout est transmis par la lignée maternelle : le nom, le clan, les relations familiales à l'intérieur et hors de la communauté. Les positions politiques et sociales font partie de ce tissu culturel, pour la préserver et la transmettre aux futures générations.

Fernando Hernandez Ojob


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Les textiles, une affaire de famille (qui marche).
Visite guidée d’un atelier d’Oxchuc.


Texte : Mounia El Kotni
Crédit photos : Marie-Pia Rieublanc


Depuis quelques mois, l’association Mâ réfléchit à de nouvelles collaborations afin de développer une source de revenu durables pour notre partenaire dans le Chiapas. Comme certaines d’entre vous le savent déjà, les rebozo (châles) porte-bébés nous semblent une piste intéressante afin de renforcer les liens entre les Mamans et Papas de France et les sages-femmes du Chiapas. Notre recherche de fabricants de textiles nous a emmenées à Oxchuc, une communauté à une quarantaine de minutes de San Cristóbal. C’est par le biais de notre partenaire que nous avons rencontré Rodolfo et sa famille, qui produisent des tissus depuis plusieurs générations dans leur atelier. Ces textiles aux rayures de toutes les couleurs sont ensuite revendus aux artisans de la région, sous forme de servilletas  (serviettes de table),  naguas (jupes), ou rebozos aux multiples usages.

Dans la boutique

Dans la boutique sur le marché d’Oxchuc, la vente des textiles se fait au détail,  mais la famille répond également à des commandes de plus gros clients– dans la capitale Mexico et dans le Michoacán. Pour répondre à notre curiosité, la responsable de la boutique accepte de nous faire visiter l’atelier. C’est son fils Rodolfo qui nous sert de guide. L’entreprise de Rodolfo et sa famille emploie 13 personnes, 10 hommes et 3 femmes qui travaillent 16heures par jour, 5 jours et demi par semaine. Le travail est divisé entre les hommes, qui travaillent chacun sur une machine, et les femmes, qui brodent certaines servilleta. Sur les 10 métiers que compte l’entreprise, 3 sont exclusivement consacrés aux rebozos, 3 à produire la toile noire pour les jupes des femmes (nagua) et les 4 autres aux servilletas. Chaque métier à tisser produit 20 rebozos par jour (80 mètres de toile). La taille des rebozos varie entre 2 et 4,50 mètres. Les couleurs sont choisies par les femmes employées ou par les clients (qui envoient leurs choix de couleurs par email).

Outils 
Mounia et Rodolfo dans l'atelier

Lorsque l’entreprise a été créée par le grand-père de Rodolfo il y a plus de soixante-dix ans, la production reposait sur un seul métier à pédale qu’il a conservé pendant presque 20 ans. Le métier à pédale a été introduit au Mexique par les Espagnols lors de la Conquête. Ces derniers ont formé les hommes Indigènes à ce travail, afin de répondre à la demande Européenne de textiles. La plupart des textiles utilisés par les populations locales étaient produits sur le métier à ceinture,  qui demande plus de temps et de travail. Les femmes indigènes ont continué à produire les vêtements de la communauté sur ce métier – et ce jusqu’à aujourd’hui. Avec le développement de l’entreprise de la famille de Rodolfo, et pour répondre à la demande notamment touristique, le métier à pédale, lourd à manipuler et  produisant 10 rebozos par jour, a été remplacé par des métiers mécaniques. Pour Rodolfo, le produit fini est le même, mais cela prend moitié moins de temps. L’entreprise familiale a commencé à s’équiper au fil des ans, acquérant 3 métiers en 2008, puis 3 autres l’année dernière.
Ce qui fait la force de leur entreprise selon lui, est le fait de travailler en famille. Par le passé, l’entreprise a failli faire faillite, principalement à cause de problèmes entre les associés. Rodolfo met également en avant le savoir-faire familial, qui s’accroît au fil du temps. Les machines n’étant pas fabriquées dans le Chiapas, il faut être capable de remplacer une pièce manquante sans avoir à attendre une commande venant de la capitale, qui peut ralentir ou stopper la production. L’expérience de travail et le fait de pouvoir s’appuyer sur sa famille sont les deux éléments cruciaux pour pouvoir continuer la production.

Petite peluche tombée de la machine à tisser

Rodolfo considère l’entreprise familiale comme une tradition artisanale et le revendique. Il se rappelle avoir été invité à une conférence s’être vu reprocher de ne pas suivre la tradition (de tisser sur le métier à ceinture). Sa réponse fait écho aux questions qui animent les débats anthropologiques : « Pourquoi la tradition devrait-elle être fixée et ne jamais changer ? » Rodolfo met en avant l’utilisation du textile comme une tradition, et le métier industriel venant améliorer la rentabilité du produit, avec des lisières « parfaites ». L’authentique selon lui se conserve, et chaque peuple garde ses traditions : par exemple les servilletas de Zinacantan sont faites de la même toile que celles d’Oxchuc, mais les femmes de cette communauté y ajoutent des broderies de fleurs à la main , ce qui reproduit ce que l’on voit sur des tissus tissés au métier à ceinture. « Cela aussi, c’est artisanal » selon Rodolfo.
En créant des partenariats avec des boutiques et des circuits touristiques pour faire visiter son atelier aux voyageurs nationaux et internationaux, Rodolfo souhaite non seulement faire connaître son entreprise mais également perpétuer une autre forme de tradition. Tout comme à Oaxaca, où les textiles Zapotèques tissés sur le même métier à pédale sont devenus emblématiques de la région[1], les rebozos rayés d’Oxchuc sont facilement identifiables et identifiés par les habitants et touristes de la région.  

Au peigne...

Pour clore notre visite, l’association Mâ a acheté à Rodolfo une douzaine de rebozos afin de les tester auprès d’associations de portage en France. Les surplus de la vente seront reversés à notre partenaire OMIECH, afin d’alimenter un fond pour les sages-femmes. En parallèle de ces châles faits à la machine, nous avons également cherché des pistes avec des femmes tissant sur le métier à ceinture. Si vous avez eu l’occasion de voir ces textiles et de les essayer, qu’en avez-vous pensé ? Quelles sont les couleurs qui vous plaisent ? Préférez-vous ceux faits en machine ou ceux faits à la main ? Nous attendons vos retours et espérons que vous avez apprécié le compte-rendu, même tardif , de cette visite !












[1] Je recommande le livre de William Wood, pour pousser plus loin la réflexion sur la tradition. Il se penche sur la production des textiles Zapotèques dans un contexte de concurrence internationale (Made in Mexico: Zapotec Weavers and the Global Ethnic Art Market)




Petit rappel : Ce projet de vente de châles portes-bébés a pour objectif l'autonomie financière des ateliers d'éducation populaire et sanitaire dans les villages partenaires, animés par les sages-femmes traditionnelles membres de l'ONG OMIECH.

Vous pouvez déjà soutenir notre campagne de dons sur Kisskissbankbank :









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« Hogar Comunitario Yach’il Antsetik » : 

un foyer par et pour les femmes.



C’est grâce aux réseaux sociaux que j’ai pris connaissance de cette association installée à San Cristobal de Las Casas, dans le quartier de San Diego. Curieuse de leurs activités, je suis entrée en contact avec elles afin de proposer un rendez-vous. La réponse n’a pas tardé, avec en prime une invitation à participer à un atelier d’ « Autoconocimiento » (Connaissance de soi) ! Cet atelier a regroupé une vingtaine de femmes de toutes origines culturelles, et nous a permis de faire le point sur notre quotidien, sur les difficultés que nous avons pu surmonter au long de notre parcours, d’identifier nos ressources, ce que nous avons à offrir aux autres, mais également ce que nous recherchons dans nos relations avec les autres. Cet atelier a aussi été l’occasion pour moi d’en savoir plus sur les activités du foyer associatif.


Créée il y a 17 ans par Doña Maria de la Luz, l’association Yach’il Antsetik (Femmes Nouvelles) a pour vocation d’accompagner les femmes enceintes sans aucune ressource économique ni familiale à donner la vie dans les meilleures conditions possibles. Les femmes sont accueillies dans le foyer pour une durée de 4 mois : à partir  du huitième mois de grossesse et jusqu’à deux mois après l’accouchement. Pendant toute cette période, elles sont hébergées, nourries, et participent à divers ateliers (de poterie, de macramé, d’alphabétisation, d’éducation aux droits sexuels, de préparation à la naissance…). Ces ateliers sont ouverts à tous et toutes. Des représentantes des communautés indigènes avec lesquelles travaille le Foyer sont invitées à ces ateliers, puis le répliquent avec d’autres femmes lorsqu’elles retournent dans leur communauté. Chaque femme qui séjourne dans le foyer apporte sa pierre à l’édifice en enseignant aux autres et en apprenant d’elles. Les ateliers de poterie et macramé ont par exemple débutés grâce à l’initiative de certaines femmes, qui ont profité de leur séjour dans le foyer pour faire partager aux autres leurs connaissances en  la matière.
Le foyer comporte donc une salle pour l’organisation d’ateliers, une garderie où le personnel s’occupe des plus de 2 ans pendant que leurs mamans sont en ateliers, une cuisine, quelques chambres (6 lits en tout), une salle-atelier de poterie, une boutique-friperie (les bénéfices sont partagés entre les pensionnaires du moment), une salle d’accouchement avec baignoire, un jardin de plantes médicinales sur le toit, et une serre maison pour faire pousser des champignons - rien que ça ! Le personnel est composé de 15 personnes (dont 1 homme) ainsi que de volontaires nationaux et internationaux. Il y avait deux femmes qui séjournaient dans le foyer lors de ma visite, les autres lits étaient inoccupés. Les femmes ne sont pas obligées de rester 4 mois entiers, elles peuvent quitter le foyer à tout moment. Par exemple il est arrivé que certaines s’en aillent deux semaines après l’accouchement car elles avaient trouvé un emploi. Les anciennes habitantes du foyer sont invitées à revenir à un atelier mensuel, afin de savoir comment elles vont.
            A l’origine réservé uniquement aux femmes, le foyer accueille également depuis un an des couples, ainsi que des femmes qui ont quelques ressources mais acceptent de s’intégrer dans le fonctionnement du foyer et souhaitent vivre l’expérience d’une naissance respectée. L’association et son personnel travaille afin de repenser l’expérience de l’accouchement, en plaçant les femmes au centre de la naissance, en respectant le rythme et les décisions de chacune[i]. Des sages-femmes  travaillent avec le foyer et sont de garde pour l’accouchement. Certaines sont des infirmières sages-femmes internationales, mais la plupart viennent de communautés indigènes. Les sages-femmes échangent leurs savoirs et se forment également entre elles. Après chaque accouchement a lieu une réunion avec l’équipe de l’association, qui revient sur le déroulement de l’accouchement. « Chaque accouchement est différent. Nous avons souvent des accouchements « particuliers », car les femmes qui viennent nous voir vivent des conditions particulières, souvent très difficiles » explique Judith, psychologue au sein de l’équipe.  Quand je lui demande s’il y a des cas au cours desquels les accouchements se terminent à l’hôpital, elle me répond que oui, cela arrive. Quand au bout de 48 à 72 heures l’accouchement est toujours en cours, elles préfèrent diriger la femme vers un hôpital, avec l’accord de celle-ci. Le foyer est également en contact avec le gouvernement pour les cas d’adoption. Que cela soit pour le type d’accouchement ou à propos de l’adoption, la décision finale revient à la mère -  « Il n’y a pas de bonne ou mauvaise décision ; dans tous les cas, la ‘bonne’ décision est celle que prend la femme concernée », insiste Judith.
Pour Judith, le foyer peut être comparé à un cocon au sein duquel les femmes peuvent se ressourcer et reprendre des forces, avant de démarrer une nouvelle vie. Quant à l’avenir du foyer dans 10 ans, Judith est prête à continuer à soutenir les femmes qui en ont besoin pour un long moment, malgré les difficultés financières, malgré le contexte de violence et de marginalisation que vivent les femmes indigènes dans le Chiapas. Elle souhaiterait bien sûr accueillir plus de femmes, même si les conditions ne le permettent pas toujours. En ce moment un groupe est en train de réfléchir à de nouvelles pratiques au sein du foyer – de nouveaux thèmes d’ateliers, de nouvelles manières de communiquer. L’un des thèmes émergeant est de réfléchir à de nouvelles manières de vivre équitablement entre hommes et femmes. « Ici nous continueront à travailler, à faire ce que nous savons faire ». Donner aux femmes l’expérience d’une naissance respectée, afin de leur montrer que oui, elles peuvent continuer à avancer, et que dans leur lutte, elles ne sont pas seules.


Pour être au courant des prochaines activités du Foyer, voici le lien vers leur page Facebook.



[i] Contrairement à ce qui se passe en ce moment en Espagne par exemple. http://tinyurl.com/qerbf2p


Mounia


Articles issus du blog de voyage Partera Madrina. 

Maison de Naissance d'Angelina Martinez Miranda à Cuernavaca et Maison de Naissance de Magdalena Olivera à Ayutla Mixe - Mai 2010.



Alice et Angelina
Me voila baptisée, avec du liquide amiotique...

Je suis a Cuernavaca depuis 3 jours, chez Angelina et toute sa famille, pour m'immerger dans le quotidien d'une partera, et pas n'importe laquelle ! Angelina est un amour de femme, dynamique, et d'une douceur extreme avec toutes les petites jeunes femmes qui viennent la voir, avec tout le monde d'ailleurs. Ce qui ne l'empeche pas d'etre une boule d'energie qui court d'un lieu a un autre, et qui enchaine les consultations sans pauses... sans compter la possibiliter d'une naissance quotidienne dans l'une de ses charmantes chambres destinées a cet effet.

Je suis arrivée un matin, avec mes sacs, dans cette cours interieur - salle d'attente, ou les familles attendent a l'ombre du manguier sur des chaises de jardin. J'entends la voie d'Angelina provenant du toit, me disant de monter. Une paillasse, un drap et un petit coussin, une femme enceinte allongée dessus, accompagnée de sa petite fille, Angelina, ventouses en main, les lui appliquant une par une sur le dos, et Aya, une jeune apprentie partera israëlienne, ici depuis plus d'un mois. Le tableau est charmant.

On m'installe dans une chambre destinée a accueillir les aides-apprenties parteras, ou vit aussi Aya, et j'enchaine directement sur les consultations avec Angelina. Une premiere femme est la pour sa vesicule biliaire, consultation de santé ( car Angelina est aussi naturista, ici ça veut pas dire naturiste mais plutot naturopathe d'aprés ce que j'ai compris, en tout cas ses conseils d'hygiene de santé s'en rapprochent beaucoup...). J'aide a confectionner les flacons de teintures de plantes destinés a l'aider a evacuer le trop-plein de sa vesicule. Conseils d'alimentation, de positions pour dormir, et ma chérie, regarde-toi dans la glace tout les matins et dis-toi que tu es une reine, et que tu es une personne magnifique qui mérite de belles choses, d'accord? Elle parlait a cette femme avec tant de coeur, de femme a femme, j'ai failli pleurer.

Angelina et un des enfants (ac)cueillis par elle
Une autre consultation de santé, deux jeunes femmes, chacune une ribambelle de questions auquelles Angelina reponds patiemment. Confection de flacons. Puis s'enchainent 5 consultations de grossesses, souvent accompagnée de l'ainé, né dans cette meme chambre quelques années plus tot. Une fois sur deux, le papa est la, sinon la mere, la belle-mere ou la tante pour les plus jeunes. 24, 22, 18, 26, 16 ans, .... Un puis de connaissance, c'etait passionnant. Angelina me pose de temps en temps des questions pour mieux me connaitre, tout en me proposant de palper un ventre pour sentir comme la tete est basse, comment le bébé est positionné... Elle est joviale, présente, n'hésite pas a faire des blagues ou a eclater de rire, ecoute avec une patience infinie, explique tout en détails, prends le temps, reconforte, n'hésite pas a ne pas faire payer si elle sent qu'il n'y a pas trop d'argent, ... Un coeur.

Une derniere consultation, cette fois il s'agit d'une jeune maman qui souffre de saignements et d'anemie. Exctraction du sterilet. Elle repare avec son mari, leur petite fille, et un stock de preservatifs en attendant de trouver autre chose qui lui conviendra mieux.

Intense.

Pour elle la journée ne sera pas finie, le soir-meme, elle prenait un bus pour une ville a la frontiere des Etats-Unis afin de visiter son pere quelques jours ...

La maison d'Angelina semble impossible a vider. Des enfants par ci, une petite grand-mere par la, une femme adorable qui fait a manger toute la journée les jours de consultation, un couple avec leur bébé, des visiteurs, ... Explication : Angelina et son mari ont 5 fils. 3 et demi vivent ici, car celui qui a un bébé, avec son adorable copine fabriqueuse de couches lavables, passent de temps en temps mais vivent ailleurs. 2 jeunes garçons, encore a l'ecole. Et Esteban, son fils partero, comme elle, qui était aussi présent au congrés Midwifery Today en Allemagne 2 années auparavant. Il y a Aya, bien sur, la toute charmante. Et la grand-mere il me semble que c'est la maman du mari, mais pas sur... Enfin, c'est vivant ici! J'adore ça.

Esteban s'est formé a la parteria auprés de sa mere, qui fut sa partera madrina dans le cadre de l'école Luna Llena d'Oaxaca. Clin d'oeil a Maurizio qui s'y trouve en ce moment-meme. Tout se rejoint, tout le monde se connait, tout est connecté, c'est vraiment intéréssant.

Aya et Sally, étudiantes, et Esteban, sage-femme et fils d'Angelina

Et hier soir, je rentre a la nuit tombée, et trouve une petite foule installée dans la cours de la maison, sous le manguier. Un temps pour comprendre. Deux jeunes femmes sont en travail en meme temps, l'une avec son mari, leur fille d'un an, et la grand-mere, et l'autre avec sa maman et son mari. Elles sont debout, l'une appuyée sur une chaise, l'autre se promene, en chemise de nuit, les cheveux lachés, les yeux intenses refletant leur état. Pleines d'hormones. Je monte me changer, croise Esteban, et redessant en vitesse avec des habits qui peuvent etre tachés.

La premiere, celle dont le travail est le plus avancé, s'est réfugiée dans la chambre. Allongée, elle se repose entre deux contractions. On discute un peu, elle me pose des question, me dit que le bébé naitra quand Dieu l'aura décidé... Son ainée est née dans ce meme lit, c'est pourquoi elle veut accoucher dans cette chambre, dans ce lit, elle aime. Elle a 20 ans, et le jeune papa 21. Lui il s'occupe de la petite qui ne tarde pas a s'endormir dans ses bras. La jeune femme jouie de sa liberté de mouvement sans limite, elle rebondit sur le gros ballon, se courbe en arriere, se rallonge dans le lit, se releve, marche un peu dehors, reviens, s'appuie contre le mur, va aux toilettes, ... Elle est trés independante, mais semble apprecier mes carresses, mes mains sur ses reins dans les montées de douleur. Les contractions s'intensifient. Esteban est parti prendre une douche, je suis seule dans la chambre avec la grand-mere, qui me dit de l'appeler car ça approche. Esteban arrive . La douce est dans tout ses états, elle dit des choses trés etranges, délire... Les contractions se font violentes, elle dit qu'elle ne peux pas, que c'est trop, s'emporte avec sa douleur, demande la main du papa. A chaque contraction, son corps pousse, et elle s'attrape les genoux pour se les coller contre la poitrine. Esteban la rassure, lui dit qu'elle peut, qu'elle en ai capable, que c'est normal de douter a cette phase de l'accouchement. Il vérifie, 10 centimetres. Le bébé descend. Et sans prévenir, une tete apparait, en deux poussées elle sort. Une petite tete toute chevelue, des petits bruits de bébé... Le corps. Esteban l'essui un peu avant de déposer la petite fille sur le ventre sa maman, hallucinée, émerveillée. Il est 1 heure du matin. Et la, le temps se suspend. La petite grand-mere entre dans la piece. Silence. La nuit. La maman pose des questions. Et le placenta? Attends un petit peu, le cordon bat encore lui répond Esteban.
Le bébé a froid, on ferme les fenetres. Combien de temps s'écoule? D'autres contractions, ... le placenta sort. Esteban la nettoie. Je baille, m'endort presque assise sur ma petite chaise. Il me dit d'aller me reposer. Je sort du cuarto des consultations, a ma droite j'entends un gémissement dans l'autre chambre, j'entrouve la porte, ... l'autre jeune femme enceinte, assise sur le grand ballon, s'appuie dans les bras du papa. La piece est dans la pénombre, autre ambiance d'accouchement. Je pars me coucher en pensant a Esteban qui ne vas pas dormir cette nuit...

Alice












Tacos de Placenta



Taco de placenta

Non je rigole pas.

C'est du vrai!! Ce matin , a peine le temps de finir de manger qu'un autre accouchement nous a fait accourir en vitesse avec les tasses de café dans la chambre des naissances. Quand je parle de nous, cette-fois ci c'était avec Angelina, rentrée hier soir. Le travail était bien avancé pour cette jeune femme, soutenue par son mari. Je ne saurais pas dire quel age elle avait, mais elle semblait un peu plus agée que la précedente, et c'etait son premier accouchement. Le papa était vraiment investit, avec beaucoup de douceur, de self-control, de calme, c'était beau a voir. Angelina a mise la maman plus a l'aise, habillée de maniere plus approprié car on approchait midi et il faisait trés chaud. Elle l'a prise dans ses bras et serrée doucement contre sa poitrine le temps d'une contraction, puis lui a proposé de s'agenouiller, accoudée au lit. La jeune femme avaient des mouvements de bassin trés instinctifs qui permettaient au bébé de trouver son chemin, profitant de la position verticale, en utilisant son propre poids et l'apesanteur pour glisser tout doucement dans le bassin. La jeune femme se relevait, marchait, toujours accompagné par le papa vers lequel elle se tournait a chaque début de contraction pour l'enlacer et s'appuyer sur lui en pliant les genoux afin d'offrir de l'amplitude a son bassin. Trés belle scene. Angelina lui proposa alors de se suspendre a un hamac-siege, juste a la hauteur necessaire pour que le cordage la soutienne au niveau des aisselles quand elle se baisse, egalement super pour lacher dans le bassin. Une contraction dans cette position, mais je jeune femme souhaite se rallonger. Alors Angelina propose cette fois-ci au papa, tant investit, de s'assoir derriere sa compagne dans le lit pour la soutenir et la rassurer, tout en lui offrant une position plus confortable, plus redréssé. L'idée leur plait, ils s'installent. Je n'ai pas compris pourquoi, mais c'etait tellement mignon de voir cet homme n'enlever q'une chaussure, pour le pied dans le lit, et l'autre pied chaussé a terre... Je garde cette image en tete. La naissance approche, on entrevoit les cheveux du bébé dans le vagin qui commence a s'ouvrir. A chaque contraction, elle sort un peu plus, et remonte. Ce fut ainsi pendant un bon moment. Puis, une partie de la tete emmerge, et ne remonte pas dans le vagin cette fois-ci. Angelina me demande d'aller chercher le miroir suspendu au mur de l'autre chambre, ce qui m'offre l'occasion de faire un coucou a la mignonne qui a accouché la nuit d'avant. De voir la tete de son bébé, de pouvoir la toucher enthousiasme la maman. La tete sort, suivie du corps. Angelina l'essuie, me demande de liberer la maman du rebozo qui lui entoure le ventre sous sa poitrine, et pose le nouveau-né contre le sein de sa mere. Le papa donne l'impression d'avoir accouché lui aussi, de son point de vue, un peu surelever par rapport a la maman, mais dans le meme angle qu'elle, il a vécut l'experience d'etre en plein dedans. Le corps vibrant de sa femme sur lui, main dans la main, pied contre pied (elle appuyait son pied sur celui de son mari, recourbé en flex pour qu'elle puisse pousser dessus), ils etaient en communion tout les 2. C'était beau. Le placenta est sortit trés rapidement aprés, avec la poche complete. Angelina a installé la jeune femme confortablement allongée sur le coté, le bébé en peau a peau contre son sein pour téter. Puis, s'est installée par terre avec la cuvette du placenta, et un grand drap étenche. Elle a pris le placenta, déployant la poche de l'interieur en y glissant sa main, afin que le couple puisse voir dans quoi vivait leur bébé depuis neuf mois. Puis elle a tout étalé sur le drap, a plat, afin que l'on puisse admirer chaque nervures, chaque branche de cette plante organique. Elle a donné une jolie forme au cordon, tartiné un peu de sang sur le tout et avec une feuille de papier blanc appliquée dessus, a créer une photo du placenta et du cordon.

Empreinte de placenta


" Regardez, c'est un arbre de vie"! Puis elle leur demande : " Que voulez vous en faire? L'enterrer dans votre jardin? Ce sont les racines de votre bébé, de le planter dan votre jardin serait trés bon pour lui! Ah, j'ai une meilleur idée ...Vous aimeriez le manger? Je peux vous le cuisiner si vous le souhaitez. Des tacos au placenta!! C'est trés bon!" Sur le coup, le couple a cru qu'elle blaguait. Mais elle ne blaguait pas, alors ils ont décliné la proposition, mais Angelina leur a dit: " Le placenta est la meilleur viande du monde. Je connais des végétariens qui mangent du placenta. Et vous savez pourquoi? Parce que c'est une viande pleine d'amour. La viande des animaux tués est pleine de peur, pleine d'adrenaline, aprés les gens qui la mange sont agressifs et se demandent pourquoi. Le placenta est plein de bonnes hormones, de vitamines et de protéines, il te donnera de la force pour récuperer aprés cet accouchement. C'est lui qui a alimenté ton bébé pendant ces neuf mois, c'est un nourrissier. En plus, les femmes qui mangent leur placenta n'ont pas de dépression post-partum! Jamais! Tout les animaux mangent leur placenta! C'est trés naturel. Ici au Mexique, avant c'était la tradition, les femmes mangeaient leurs placenta..." Inutile de vous dire que la femme a finit par dire qu'elle aimerait y gouter!


Nouveaux parents!

J'ai donc observé Angelina laver et "dépesser" le placenta, le couper en morceaux avec ses mains, tout relaver, ... J'ai décliné sa proposition d'en utiliser un peu pour m'en faire un masque faciale... Nous avons coupé de l'ail et des oignons, elle a fait revenir le tout dans une poele un bon moment, y a ajouté quelques herbes, de la sauce, et a glissé le tout dans des tacos! Trop drole.

En attendant, le jeune femme reprenait des forces avec un chocolat chaud et de la papaye. Et s'est ensuite régalée de tacos au placenta!!! Que le mari a gouté aussi, et apparement c'est trés bon!





Alice



Ayutla Mixes

Magdalena et Consuelo dans la maison de naissance d'Ayutla Mixe

Village perché dans les montagnes..

Ici l'eau et l'air ne manquent pas, c'est pas comme Oaxaca.


Nous revenons de ce lieu oú nous avons rencontrés Magdalena, jeune partera ancienne élève issue de la permiere génération de l'ecole Luna Llena de Oaxaca. Charmante jeune femme dont le dynamisme, la volontée, l'independance, la sensibilté et la conviction l'ont menés à offrir un exemple unique. Elle est l'une des 8 jeunes parteras indigènes ayant, une fois sorties de l'ecole, créé avec l'aide d'Araceli Gil et de Cristina Galante sa propre "Casa de Luna". Une petite maison de naissance, lieu de travail ultra pratique, confortable et vraiment adorable venues se nicher dans ce petit village qu'est Ayutla Mixes.

Ici, on parle Mixe, et parfois pas español. MAis toutes personnes qu'on y rencontré parlaient español, de la grands-mère en costume traditionnel au gamins du jardin d'enfant...

Quand je pense que dans ce pays, nombreux sont les bilingues depuis la petite enfance, j'ai un profond respect pour eux.

Pour en revenir a Magda et à sa Casita de Parto, autant dire qu'on en revient toujours pas !(même si en réalité, on est rentrés a Oaxaca ce matin...)

Son accueil fût vraiment chaleureux, et une chose est sûre : elle a pas besoin de se rendre aux ateliers de therapie du rire, elle rit déjà tout le temps!! Constamment de bonne humeur, elle se prends pas la tête, se pose pas de questions inutiles, elle avance!

Active depuis trés jeune, elle s'est toujours investie dans la toile socio-sanito-culturelle des lieux oú elle se trouve. Auprès des femmes, des enfants, des jeunes, ... Elle sait oú elle va, quoi qu'il puisse arriver, elle se doit d'essayer, de tenter, d'expérimenter. Et sa curiosité la guide et l'amène à apprendre toujours plus. Elle semble être de la même veine, ce même genre de femmes intarrissable qu'est Angelina. MAis à sa manière bien sûr.

J' hésite à trop en raconter, c'est qu'on a des chouettes images d'elle, mais faudrait pas tout raconter avant que vous puissiez voir le film...

Je vais donc m'arrêter là pour l'instant.

Bises à tous.



Alice


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